La présence d’un bac était vitale pour se rendre dans les îles ou sur la rive opposée du Rhône.
Si les administrateurs de l’État français et les Lyonnais étaient principalement intéressés par l’idée de remonter le cours du Rhône jusqu’à Genève, les Neyrolands étaient, quant à eux, bien plus soucieux de traverser le fleuve dans sa largeur. Les archives de la commune font d’ailleurs très peu mention des travaux de creusement du canal de Miribel, à moins que la navigation n’entre en conflit avec les intérêts locaux.
L'origine de la traille de Neyron
La première mention de ce moyen de transport date de 1809 : lors du conseil municipal, le maire Antoine Péguet expose qu’un bac a subsisté “de tems [sic] immémorial” et faisait donc partie intégrante du paysage fluvial de la fin du XVIIIe siècle. Toutefois, pour une raison inconnue, il disparut lors de la Révolution. Aux dires du maire, cela mit presque fin aux “relations d’affaires journalières” entre les Neyrolands et les habitants des communes de l’autre rive (après tout, il n’y avait pas que les procès pour les brotteaux dans la vie).
Un autre inconvénient de la “liberté des bateaux” régnant désormais était d’empêcher la surveillance des “gens inconnus et sans aveu qui passent d’un département à l’autre”. Les sociétés du début du XIXe siècle se méfiaient en effet énormément des vagabonds. Les années 1810 virent ainsi le rétablissement du bac. Celui-ci ne fut d’abord qu’une simple barque, avant qu’on ne le transforme dans les années 1850 en un bac à traille : le bateau arrimé à un câble tendu entre les deux rives.
Le maintien du bac nécessitait des travaux constants
Le bateau devait être remplacé tous les dix ans environ, une dépense en partie compensée par la vente de l’embarcation usagée. L’emplacement des poteaux tendant la câble évolua également avec le cours du Rhône. Ainsi, en 1866, la formation d’un banc de sable obligea à déplacer le bac de cent mètres vers l’aval. Surtout, il fallut s’adapter aux conditions imposées par les Ponts et Chaussées qui supervisaient le creusement du canal de Miribel pour la navigation, et toujours en référer à cette administration pour les moindres travaux.
Ainsi, en 1864, les Neyrolands demandèrent un débarcadère qui soit également adapté au bétail qui franchissait quotidiennement le canal. Le premier projet fut rejeté par l’ingénieur des Ponts et Chaussées car il n’était pas “en harmonie avec les travaux exécutés par l’État”. L’ingénieur avança également qu’il n’y avait pas besoin d’un embarcadère trop grand, puisque le bétail remontait de toutes façons par les rives.
Les vestiges de la rue de la Traille
Pour des affaires de moindre importance, il arrivait néanmoins que les Neyrolands passent outre l’avis des Ponts et Chaussées. En 1882, l’ingénieur conseilla à la commune de conserver des piliers en bois pour tendre le câble, plus économiques que des piliers de maçonnerie. Le conseil municipal rétorqua qu’il ne voulait plus avoir à remplacer régulièrement les piliers, et qu’à long terme, la maçonnerie s’avérerait donc moins coûteuse. Il opta donc pour la construction des piliers que nous voyons encore aujourd’hui rue de la traille.
Le bac resta en fonction jusqu’autour de 1940, lorsque la construction du pont de Miribel sept cent mètres en amont, ainsi que l’usage décroissant des îles, le rendirent obsolète.
Corentin GRUFFAT