Un autre aménagement du Rhône a laissé moins de traces dans le paysage de Neyron, mais s'avère très présent dans les documents historiques, il s’agit des moulins.
Quel promeneur du XXIe siècle pourrait se douter qu’il y en eut jusqu’à trois, et deviner leur localisation ? Au XIXe siècle, ils constituaient pourtant un point de repère évident, en particulier pour... les archéologues lyonnais ! Ces derniers cherchaient à percer le mystère des Sarrasinières, une galerie souterraine d’époque romaine qui va de Miribel à Lyon, et dont certains vestiges resurgissaient de terre à Saint-Clair ou à Neyron, où Nicolas-François Cochard les signale à ses lecteurs en 1825 en en indiquant la distance depuis les moulins.
Le cadastre de 1831 indique la localisation précise des moulins au Barry, à la limite de la commune de Rillieux. On en compte alors trois, possédés par deux meuniers : Benoît Girard et Félix Pittion. Les moulins sont situés au milieu du cours du Rhône. Ce sont en effet des moulins montés sur bateaux, et maintenus à la rive par des grandes chaînes attachées aux ruines des Sarrasinières. Ce type de moulin mobile possède l’avantage de pouvoir être déplacé pour profiter au maximum de la force motrice fournie par le fleuve. Ils sont en revanche très vulnérables aux crues, ainsi qu’en fit l’expérience un meunier de Miribel en 1845, lorsque son embarcation alla s’écraser sur le pont Morand à Lyon. Le moulin était aussi le lieu malheureux où l’on repêchait les cadavres des noyés...
Essentiels à la vie locale pour assurer la subsistance des Neyrolands, les moulins ont aussi attiré l’attention de l’État en deux occasions. Pendant la Révolution tout d’abord, une grande enquête visant à recenser touts les moulins de France fut lancée en 1794. Elle ne signala toutefois aucun moulin à Neyron, ce qui est d’ailleurs étonnant compte tenu qu’une carte dressée à Miribel en 1785 en faisait apparaître un. Signe de la faillite du meunier ? Sous l’Empire, le recensement des moulins continua : le préfet Bossi en signala un en 1807, ce que confirme une autre enquête administrative en 1809. La meunerie était donc un secteur économique qui connut ses hauts et ses bas, avec ses créations d’entreprises et des faillites.
Le regard de l’administration sur les moulins rhodaniens changea dans les années 1830, lorsque l’on commença sérieusement à promouvoir la navigation. Dans l’un des premiers projets de canal, rédigé en 1836, l’ingénieur Berthier souligne combien les moulins comme ceux de Neyron ou de Thil gênent le passage, déjà bien difficile, des îles de Miribel. Il en conclut “qu’il est du devoir de l’administration de les supprimer”. Et il semble bien que les travaux du canal aient effectivement eu raison des moulins. Le rapport de 1836 est l’une des dernières attestations de leur fonctionnement. En 1854, le conseil municipal se décida à réclamer un arriéré de paiement pour le terrain cédé à Pittion en 1829. C’était désormais un certain Revel qui occupait le terrain, et le conseil précisa dans sa délibération que le terrain “avait été acheté pour l’emplacement d’un moulin et d’un magasin de farine qui n’existent plus depuis longtemps et qui ne pourraient exister rapport aux travaux d’art qui s’exécutent présentement”...
Corentin GRUFFAT
Reconstitution de différents types de moulins-bateau européens. Le numéro 443 est identifié comme un moulin lyonnais (Fédération des moulins de France; fdmf.fr)